Famille

15 ans de cantine gratuite

L’engagement pris en 2007, pour garantir un repas équilibré à chaque enfant sans grever le pouvoir d'achat des familles, est toujours d’actualité, malgré les augmentations qui pèsent sur les finances municipales.

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Pourquoi la gratuité ?     Quel est le coût pour la Ville ?     Quelle action en maternelle ?    

Depuis le mois d’août, le sujet fait l’objet de débats acharnés dans toutes les municipalités : faut-il augmenter le tarif des cantines (et baisser la température des piscines) ? En septembre, l’inflation annuelle était de 9,75 % sur les seuls produits alimentaires, avec quelques records comme la hausse de 137 % de l’huile de tournesol ou celle sur les coquillettes de près de 30 %.

Dans ce contexte, l’augmentation des tarifs pourrait sembler légitime, afin de ne pas mettre en péril des finances communales déjà aux prises avec une inflation galopante qui touche tous les domaines et dont les causes sont multiples : guerre en Ukraine, faiblesse de l’euro, reprise de la consommation après la période de Covid, tensions avec la Chine, opportunisme de certaines entreprises qui augmentent leurs tarifs sans raison... Mais depuis quinze ans, la gratuité de la cantine en élémentaire est devenue un véritable totem de la vie drancéenne.

Un choix réaffirmé

Anthony Mangin,

adjoint en charge des Finances, de la Culture et de la Politique de la Ville

Pouvez-vous nous rappeler les raisons qui ont mené la Ville à cette décision ?

Jean-Christophe Lagarde, alors maire de Drancy, avait demandé à ses services de travailler sur les quotients familiaux qui étaient très anciens et avec lesquels 80 % des familles se retrouvaient dans les deux tranches les plus élevées. Il voulait rétablir des quotients sociaux. En lui présentant le fruit de ce travail, fin 2006, une question s’est tout de suite posée : "combien rapportent en recettes les versements des familles pour la restauration scolaire des élèves en élémentaire ?". La réponse était 1,1 million d’euros. Après des années de gestion et de gaspillages communistes, nous avions pu réaliser 4 millions d’euros d’économie par an. Une partie a servi à l’investissement pour rattraper nos retards dans les bâtiments et les équipements. L’autre partie, 1,1 million, nous l’avons consacrée à la gratuité de la cantine. C’était une bonne chose pour le pouvoir d’achat des parents, mais nous voulions aussi garantir à chaque enfant un repas équilibré par jour et soulager le budget des familles. On sait combien l’alimentation joue un rôle important dans la réussite des enfants à l’école. Il nous semblait aussi important qu’ils puissent s’assoir ensemble, au-delà de leurs différentes origines géographiques, autour d’un même repas. La nourriture, comme le jeu, est un grand vecteur d’intégration.

Les débuts se sont-ils bien passés ?

Oui, nous avions pris le temps de préparer ce changement. Ce que nous n’avions néanmoins pas tout à fait prévu, c’est le succès de cette mesure. D’un coup, les réfectoires ont accueilli 30 % d’élèves en plus. Ce qui a posé certains problèmes, surtout dans les anciennes écoles construites à une époque où une grande partie des enfants rentraient chez eux le midi et où les réfectoires étaient petits. Il a donc fallu trouver les bonnes réponses pour que chacun passe à table à une heure convenable. Dans certaines écoles, comme à Jean Macé, nous avons dû agrandir les espaces de restauration. Cela a pris plus de temps, et d’argent. Mais cette modernisation était, de toute façon, inéluctable.

Denis Le Meur

Président Union locale de Drancy FCPEE, secrétaire général de la FCPE 93, coprésident FCPE du lycée Delacroix

Drancy est la seule ville du département où la cantine est gratuite en élémentaire. C’est une bonne chose, surtout dans la période que nous connaissons, d’autant plus que les tarifs ont diminué en maternelle. N’oublions pas que les prix augmentent partout. Les parents d’élèves mesurent bien que c’est une mesure qui favorise leur pouvoir d’achat et que, plus globalement, Drancy est une ville qui fait beaucoup de choses pour les enfants. Prenez les économies que cela représente pour un seul enfant durant les cinq années d’école élémentaire, c’est impressionnant.

C’est un vrai engagement de la Municipalité. Et n’oublions pas que les temps ont changé : cette cantine gratuite permet aux parents de travailler, les grands-parents habitant bien souvent loin de leur famille.

Mais la scolarité devenant obligatoire à trois ans, les maternelles auraient dû rentrer dans le champ de la gratuité. Ce n’est pas du mauvais esprit, mais on nous a répondu durant des années que si la cantine était payante en maternelle, c’est justement parce qu’elle n’y était pas obligatoire. C’est un choix que nous respectons. Certains parents, pas trop nombreux quand même, nous posent la question, surtout ceux qui ont un enfant en maternelle et un autre en élémentaire. En fait, les jeunes parents, par définition, découvrent tout cela, et il est naturel qu’ils s’interrogent. Lorsque nous leur expliquons les raisons, chacun comprend bien que c’est difficile à mettre en place.

Une dépense conséquente

Une des clauses liant la Ville au prestataire, la SOGERES, stipule que l’augmentation annuelle du coût du repas ne peut pas être supérieure à 2%. Néanmoins, vu la situation actuelle, il a été convenu qu’elle sera cette année de 4,43 %. Il est difficile de connaître dès aujourd’hui l’augmentation du coût global pour cette année scolaire, qui vient de débuter, puisque les deux précédentes ont été marquées par la Covid et les confinements. Mais tentons tout de même une approche en se basant à la fréquentation de la cantine en 2018 / 2019, dernière année pleine qui puisse service de référence.

 

En élémentaireen maternelle
Nombre de repas servis (2018/2019)570 510 286 679
Augmentation du prix septembre 2022+ 0,16 €+ 0,14 €
Surcoût estimé pour la villeentre 91 000 et 100 000 €environ 41 000 €

On comprend dès lors que la restauration scolaire est l’un des plus gros postes de dépenses de la Ville. En 2018/2019, il représentait 2 793 111 euros pour les maternelles, élémentaires et centres de loisirs, sans compter le coût du personnel qui travaille chaque jour dans ces réfectoires.

Alors oui, la gratuité semble presque naturelle pour de nombreux Drancéens qui économisent jusqu’à 80 euros par mois et par enfant scolarisé en élémentaire. Mais ce service rendu à la population est un immense effort, surtout en cette période.

Et les maternelles ?

Le tarif de la restauration scolaire en école maternelle a baissé à la rentrée 2021, soit tout juste un an après que le gouvernement a rendu la scolarité obligatoire à partir de 3 ans.

L’équipe municipale a alors réformé le calcul du quotient familial. Non revu depuis une bonne génération, il avait pour conséquence le paiement du tarif le plus élevé par un nombre très important de familles. Pour y remédier, la Ville a décidé de diminuer de 25 % les recettes de la restauration scolaire en maternelle et de "lisser" cette baisse afin que les familles drancéennes soient mieux réparties entre toutes les tranches du quotient. Cela leur a permis de bénéficier d’une baisse allant de 17 à 71% pour les plus modestes. Près d’une famille sur deux se voit aujourd’hui appliquer le tarif le plus bas.

Cette décision a été votée pour une question de justice sociale, mais aussi pour que les enfants, dès leur entrée à l’école obligatoire, puissent bénéficier d’un repas équilibré pour un coût modique.