Au patronnage des soeurs
La révolution industrielle a profondément chamboulé le 19e siècle. L’exode rural, l’émergence des sciences, l’apparition des usines, la rapidité des transports ou encore un nouvel ordre social ont bouleversé la vie quotidienne, ainsi que le monde des idées qui vit apparaître un tas de mots en -isme (libéralisme, socialisme, positivisme...).
La naissance du catholicisme social
Dans cette grande lessiveuse où chacun cherchait la nouvelle place de l’homme dans la société, l’église catholique ne pouvait rester en retrait. Il lui fallait trouver ses propres réponses, non plus seulement dans les Écrits, mais aussi dans le monde des laïcs, celui du peuple. C’est ainsi que naquit le catholicisme social, qui allait changer le visage de l’Église, officialisé par une encyclique (lettre adressée à tous les évêques) du pape Léon XII, en 1892, défendant le juste salaire, le droit à constituer des associations professionnelles, la nécessité d’adapter les conditions de travail des enfants et des femmes, le repos dominical... Ces changements de mentalité sont aussi à l’origine des premiers patronages.
Il s’agissait alors d’offrir à la jeunesse ouvrière et aux orphelins une aide matérielle et morale, ainsi qu’une solide éducation religieuse. Mais rapidement vint s’y greffer cette idée antique d’un "esprit sain dans un corps sain". Le sport fit son apparition. L’organisation de compétitions et la création des premiers clubs étaient en gestation.
Drancy à la pointe
Le village de Drancy fut à la pointe de cette nouveauté, grâce à la baronne de Ladoucette. Très pieuse, elle devient la présidente de l’œuvre des patronages de jeunes filles et permet aux Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul de s’installer à Drancy. Après 1871, près de 120 jeunes filles sont en internat dans le château. Un tiers y sont élevées gratuitement, les autres doivent payer une pension modique. Pour elle, le catholicisme social était d’autant plus une évidence que sa fille Berthe avait épousé le comte Robert de Mun, frère d’Albert de Mun qui fut l’un de ses grands théoriciens. À son décès, en 1897, la baronne fit don du château à la société des Filles de la Charité pour que son œuvre continue d’exister. Jacques Couturier, qui fut, juste après la guerre, vice-président et président de la JAD, expliquait :
Il y avait à l’époque peu de distractions pour les jeunes. C’est devant cette situation que les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ont décidé de s’intéresser aux jeunes en créant un patronage de filles au château de Drancy et également un pour les garçons au 105 rue Sadi-Carnot. Ce dernier était dirigé par la sœur Catherine et la sœur Anne-Marie
Arrivées à Drancy au tournant du siècle, elles organisaient chaque jeudi pour les jeunes du catéchisme des jeux de ballon et de société. Puis le sport fit réellement son apparition. C’est ainsi que naquit en 1903 ce qui allait devenir en 1917 la JAD : la Société de gymnastique de Drancy, sous le patronage de Jeanne d’Arc, avec, déjà, ses couleurs blanche et bleu. La section football débutera en 1918, il y a tout juste 100 ans, même si, depuis le début de la guerre, on joue déjà au foot au patronage.
Un investissement récompensé
Cette naissance est le fruit d’un réel investissement.
Les deux sœurs dirigèrent durant un demi-siècle le patronage de Drancy et c’est l’une d’entre elles, sœur Anne-Marie, qui était la fille d’un riche propriétaire lyonnais, qui acheta plus tard le terrain du 26 avenue Marceau où sont implantés encore aujourd’hui le siège de la JAD et le stade Paul André. Ce catholicisme social a profondément influé sur la vie du club, jusqu’à le graver dans son ADN. Même si, au début des années 70, il a pris un tournant plus laïc, les deux sœurs qui se sont penchées sur son berceau ont marqué son histoire. Que serait en effet la JAD d’aujourd’hui sans l’aide aux devoirs ? Pourtant, cette activité n’est pas si ancienne au sein du club, puisqu’elle fut créée en 1995 par Marie-Françoise Couturier. Jacques Boulanger, autre dirigeant historique de la JAD, ne dira pas autre chose :
Nous continuons à rendre présent et efficace l’un des idéaux de notre JAD, rendre service à tous ceux qui en ont le plus besoin. Donner du temps, de l’énergie, modestement, apportant jour après jour la preuve et le témoignage qu’il est encore possible dans notre société "marchandisée" où tout s’achète et tout se vend, d’ouvrir la voie vers un monde où le don gratuit a un sens.
Temps de guerre
Mais revenons au début du 20e siècle. Si la foi est bien présente dans les activités, le patriotisme n’est pas en reste. Nous sommes juste avant la 1re Guerre mondiale et il s’agit aussi de transformer ces jeunes paysans en bons soldats, prêts à défendre le pays. La guerre de 1870 est encore dans toutes les mémoires. C’est pourquoi on retrouve souvent dans les noms des anciens clubs français cette notion de volontarisme, teintée d’héroïsme. De la Jeanne d’Arc de Drancy à l’En-avant Guingamp, on a la fleur au fusil. Il suffit de lire les statuts rédigés le 19 octobre 1917, lorsque la Société de gymnastique de Drancy est devenue la JAD :
Cette association a pour but de développer par l’emploi rationnel de la gymnastique, du tir et des sports et par la préparation militaire, les forces physiques et morales des jeunes gens, de préparer au pays des hommes robustes et de vaillants soldats et de créer entre tous, ses membres des liens d’amitié et de solidarité.
Son premier président était le général Max Récamier. L’histoire de la JAD se confond avec celle de Drancy. Mais à bien y regarder, on peut également y lire l’histoire de France.