Une agriculture pensée et raisonnée
Le 18e siècle fut une période paradoxale
Globalement, la situation des Français s’améliorent. Il y a moins de guerres et les batailles se déroulent en dehors du pays ; la médecine commence à faire des progrès ; les famines sont plus rares. Les jonctions entre les récoltes sont toujours compliquées, mais nous sommes assez loin de la situation du 17e siècle. Les familles font moins d’enfants, mais la mortalité infantile diminuant fortement, la population française s’accroît lentement, passant de 21 à 28 millions d’habitants. Ce qui implique une forte demande en produits agricoles et donc un accroissement des rendements. C’est dans ce domaine de recherche qu’un Drancéen se fait un nom.
Des origines paysannes
François Cretté de Palluel est né à Drancy le 31 mars 1741. Il est le fils d’un conseiller et secrétaire du roi (des titres avant tout honorifiques), qui est maître de postes à Saint-Denis, Sannois, Le Bourget. Sa famille n’est pas noble, elle a simplement acquis depuis le début du siècle des terres à Drancy, mais surtout à Dugny, qu’elle laboure.
Parmi celles-ci, on retrouve le Moulin de Palluel que François acquiert en 1770. Comme souvent sous l’Ancien Régime, on accolera par la suite le nom du lieu-dit après le nom de famille.
À l’occasion de son mariage, à seulement 17 ans, il reçoit de son père des terres au Bourget et à Dugny (qui, au 17e siècle, n’étaient qu’un seul et même village), puis la charge très lucrative de maître des postes de Sannois et Pierrefitte, qui se transmet de père en fils et qui nécessite un grand nombre de chevaux. En effet, si la Poste achemine le courrier depuis le 15e siècle, elle permet aussi aux voyageurs de changer de monture dans chaque relais. C’est donc naturellement qu’il s’intéresse à la production de plantes fourragères pour nourrir ses 140 chevaux.
François Cretté de Palluel n’est pas un simple laboureur, doublé d’un maître de postes. Ses origines paysannes, agrémentées d’une belle ascension sociale, ainsi que la pauvreté des terres qu’il possède, le poussent très jeune vers la recherche et la mise en place d’expériences agricoles. Il devient ainsi un agronome et un théoricien.
Une agriculture expérimentale
Il écrit de nombreux ouvrages, sur l’histoire des postes, mais aussi sur l’assèchement des marais. Rappelons que les terres drancéennes étaient encore à cette époque particulièrement humide, mais aussi que Palluel vient du latin "palus" qui signifie "marais". Mais c’est surtout pour ses travaux sur la production que son nom est passé à la postérité.
L’agriculture est alors affaire de traditions et de savoirs héréditaires. Changer les habitudes ancestrales est difficile. En Île-de-France, on pratique l’assolement triennal.
Les terres sont divisées en trois : sur la 1re, on fait pousser du blé d’hiver, sur la 2e des céréales de printemps ou des légumineuses, alors que la 3e est en jachère. Pour supprimer cette dernière et augmenter ainsi les rendements, François Cretté de Palluel fait toutes sortes d’expériences avec de la luzerne, des trèfles, de la garance, des tournesols, des asperges, mais surtout de la chicorée et des navets. Tout est alors affaire de rotation. Sa propriété, de 300 à 400 hectares, est alors connue dans toute la région comme une curiosité, un domaine de recherches.
Lutter contre les famines
Membre de la Société royale d’Agriculture, dont il reçoit la médaille d’or en 1785, il se voit confier, avec Antoine-Augustin Parmentier, la charge de réaliser des expériences sur un tubercule ramené des Andes par les Espagnols dans la 2de moitié du 16e siècle : la pomme de terre. Aliment de base de l’empire Inca, avec le maïs, les Européens se méfient de cette drôle de racine. On la soupçonne même de véhiculer la lèpre et la peste. C’est pourquoi on ne la donne qu’aux animaux. Pourtant, son rendement est bien plus important que toutes les céréales. Ce qui en fait un aliment essentiel pour lutter contre les famines, à condition que l’on apprenne à le conserver (ce que les Incas savaient très bien faire). François Cretté de Palluel est surtout connu pour avoir popularisé la pomme de terre, même si son nom est bien moins célèbre que celui de Parmentier.
À ce titre, il fait bien partie du siècle des Lumières. Il fut un cultivateur éclairé qui œuvra pour le bien commun, pour un développement durable de l’exploitation des sols. Il inventa même des machines qui, pour certaines, sont encore aujourd’hui utilisées : une machine à hacher les racines pour nourrir les animaux, la machine à couper la paille et surtout une charrue buttoir. Ce qui ne l’empêcha pas d’avoir quelques ennuis avec la Révolution, mais aussi d’être député de la Seine, avant de s’éteindre en 1798.