La guerre au jour le jour
En septembre 1914, la première Bataille de la Marne repoussant les envahisseurs, la petite ville de Drancy et ses quelques 8000 habitants va se transformer en base arrière de l’armée française. Dès octobre 1914, le château devient un hôpital pour blessés légers. Près de 10 000 soldats y séjourneront. Les boulangeries militaires, installées là où, bien plus tard, se dressera la cité Gaston Roulaud, produisent les rations de pain pour les soldats. La ferme du Petit-Drancy est également réquisitionnée pour être transformée en centre de rééquipement pour les soldats. Le cœur de Drancy bat au rythme de la guerre : sa position géographique et la présence du chemin de fer en font une place stratégique.
Hannetonnage intensif
Pour une petite ville sans histoires comme Drancy, c’est un changement de taille. Elle entre de plein pied et brutalement dans un XXe siècle qu’elle avait pourtant pris soin de maintenir à distance, préférant le chant du coq à celui des sirènes de la modernité.
Après cela, plus rien ne sera comme avant. Drancy va devenir une ville et transformer ses champs en terrains constructibles. Mais alors, de quoi s’occupe le Conseil municipal dans le contexte de la Grande Guerre, alors que la ville est de fait aux mains de l’armée, que le préfet envoie ses ordres quotidiennement par télégrammes au maire, que des Drancéens meurent régulièrement au champ d’honneur et que quelques obus tombent du ciel ? Il s’occupe simplement de la vie quotidienne. Ainsi, en mai 1916, il est demandé :
aux propriétaires fermiers ou métayers, ainsi qu’aux usufruitiers ou usagers de ramasser ou détruire les hannetons et vers blancs existant dans les propriétés.
Une prime de 10 centimes par kilo de coléoptères ravageurs de cultures sera allouée à tout destructeur. Quatre mois plus tard, il s’agit de supprimer "le péril alcoolique". On fait donc cesser le privilège des bouilleurs de cru. C’en est donc fini de la petite eau de vie distillée dans l’alambic maison à l’abri des regards. Et il est difficile de tricher tant l’odeur de la distillation est forte. Peu de risques néanmoins de se faire prendre, puisqu’en septembre 2016, un hommage appuyé et plein de trémolos sera rendu lors du départ du vieux garde champêtre, M. Breton, âgé de 66 ans et à son poste depuis 18 ans. Une rente annuelle et viagère de 600 FF sera inscrite au budget primitif 1917 sous la dénomination Retraite aux vieux serviteurs de la commune.
Géographie et géopolitique
En 1917, une autre histoire, dont nous aurons l’occasion de reparler, va secouer le Conseil : pourquoi le secrétaire général de la commune a-t-il volé la somme de 6600 FF ? Enfin une véritable affaire, car en l’absence de vrais intérêts locaux, les conseillers rivalisent d’un fervent patriotisme. M. Helary propose ainsi de construire, en juillet 1915, un monument aux morts de Drancy,
une obélisque derrière laquelle serait planté un saule-pleureur.
Rien d’étonnant, sinon le lieu :
dans l’emplacement qui existe entre l’avenue de la Gare [aujourd’hui avenue Jean Catelas, au Blanc-Mesnil, dont la partie sud était drancéenne] et la route de Blanc-Mesnil [soit la rue Joseph Hénaff].
Bref, à l’extrême nord d’une ville alors peu construite. En octobre 1915, c’est M. Gautier qui impressionne : il émet le vœu,
dans l’intérêt supérieur de la Patrie et dans celui de son avenir économique,
que la langue allemande soit supprimée de tous les établissements scolaires de France et remplacée par le russe. Drancy vient de passer, discrètement, du local à l’Internationale.