Le temps des vacances

Les colos d’ antan ont fait place à de nouveaux types de vacances. Les gamins en culottes courtes font désormais du rafting, un œil sur leur caméra.

S’il est un domaine qui a profondément changé en 80 ans, c’ est bien celui des séjours proposés aux enfants par la municipalité.
La terminologie reflète assez bien cette évolution : du départ en colos, les jeunes sont partis aux camps d’ados, pour finalement arriver en vacances. Plus important encore, nous sommes passés, en près d’un siècle,
d’ une nécessité de santé publique à une découverte
d’ activités multiples très encadrée, en passant, dans les années 70, par un désir d’émancipation. Pour observer ces bouleversements, remontons la pellicule.

La santé, avant tout

1936. C’ est l’époque des cabinets secrets à la fin de chaque conseil municipal, pendant lesquels, en l’ absence du public, on délibère sur les longues listes de Drancéens pouvant prétendre à une assistance médicale gratuite.
Il faut dire que les 46 000 habitants de la ville, en grande partie des ouvriers, ne sont ni riches ni en très bonne santé. Les vacances sont un luxe que bien peu peuvent
offrir à leurs enfants.

Nous sommes en février et le maire, Jean Berrar

soumet au conseil pour approbation un projet de construction d’un bâtiment à édifier dans les dépendances du préventorium Jean Jaurès de Doulaincourt (Haute-Marne) [acheté par la Ville en 1923] en vue d’ y installer une colonie scolaire. Il expose que le bâtiment est prévu pour abriter 160 enfants, ce qui permettra l’ envoi en colonie de 320 enfants en organisant deux départs pendant la période des vacances (...). Les travaux seront effectués en régie avec de la main-d’ œuvre recrutée parmi les ouvriers spécialisés inscrits au fond de chômage de Drancy.

Il est avant tout question de prendre "un bol d’ air" et, accessoirement, un peu de poids. Et comme on ne lésine pas sur la santé, quelques mois plus tard, sera décidé l’achat de 50 hectolitres (soit 5 000 litres !) de vin rouge par an pour Doulaincourt. Il faudra attendre 1954 pour que soit interdit le vin chez les moins de 14 ans dans les cantines françaises, remplacé par le célèbre verre de
lait de Pierre Mendès France.

Vacances à la mer

1950. C’ est en février que le maire, Gaston Roulaud, expose au conseil

[qu’]il est nécessaire autant qu’urgent d’ acquérir une nouvelle colonie de vacances. De plus, de l’ avis du corps médical, certains enfants devraient bénéficier de l’ air marin plutôt que de l’ air de nos campagnes.

Pour 10 millions de francs, la Ville porte son
dévolu sur l’ hôtel La Résidence, ex Grand hôtel d’Angleterre, à Trébeurden, dans les Côtes-d’ Armor (alors Côtes-du-Nord). Il est donc, de nouveau, question de santé : l’air marin est en effet recommandé pour les maladies respiratoires, comme la tuberculose qui sévissait encore durement à cette époque. C’est sur les sept plages environnantes que des milliers de jeunes Drancéens (qui pour la plupart ne savaient pas nager, le stade nautique n’ étant construit qu’ en 1968) ont ainsi découvert les joies de la baignade en mer.
Dans les années qui suivirent, la Ville fit l’ acquisition de la grande propriété de Pamfou (1955), qui sera réservée pour les vacances des tout-petits, puis de centres à Beg-Leguer et Saint-Hilaire-de-Riez.
En 1957, les jeunes drancéens prirent la direction des Alpes, à Samoëns. Depuis deux ans, un camp de montagne était loué à Fessy.
La collaboration devenant impossible, le maire, Maurice Nilès, arrêta

son choix sur une maison assez grande pour contenir 60 pré-adolescents, entouré d’un terrain
plat permettant d’ y monter des tentes pour les adolescents.

C’est le début des classes de neige avec leurs cours dispensés dans le chalet de La Marmotte.

Priorité aux activités

1968 passant là-dessus, les vacances changèrent dans les années 70. Les lieux étaient les mêmes, mais il était bien moins question de santé publique. Dans les camps d’ ados, on prenait ses premières leçons de liberté. Les
moniteurs étaient chevelus et on grattait la guitare autour d’ un grand feu. Les jeunes aspiraient alors à l’indépendance, sans forcément "s’ encombrer" d’un adulte pour veiller sur eux.
C’était bien, mais tout ceci coûtait très cher. L’entretien de toutes ces propriétés, utilisées seulement quelques semaines par an et pour un nombre de jeunes de plus en
plus réduit, pesait lourdement sur le budget municipal. Par ailleurs, ces colos ne faisaient plus recette car les goûts des jeunes avaient bien changé. C’ est pourquoi, dans les années 2000, la plupart d’ entre elles ont donc été revendues pour faire place à un catalogue de vacances à thèmes, qui évolue sans cesse, et à des séjours à l’ étranger.
L’ encadrement est désormais spécialisé et professionnalisé. On fait du quad, de l’escalade ou du rafting, on bouge, on se dépense et on découvre plein de nouveaux horizons.