Cadre de vie

Rencontre avec nos cantonniers

À l’heure où Drancy se réveille, les cantonniers de la ville sont déjà à pied d’œuvre. Chaque matin, ils arpentent les rues pour les balayer et y ramasser toutes sortes de déchets.

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On les imagine volontiers de mauvais poil et désespérés de devoir inlassablement recommencer, chaque jour, un travail sans fin. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente ; qu’il fasse un froid de canard ou une épouvantable canicule, ils sont dehors, affublés de leur combinaison jaune fluo, sortent les balais et ramassent tout ce qui traine. Mégots, sacs plastiques, crottes de chiens, emballages en tout genre ou encore feuilles d’arbres, tout y passe. Avec, bien entendu, la désagréable sensation que tout ce que l’on fait au service des habitants sera annulé quelques heures plus tard, dans le meilleur des cas, par des comportements imbéciles. En rencontrant Robert et Alim, tous deux cantonniers, on s’attend donc à une certaine aigreur. Surprise : ce sont en fait deux personnes pleines d’entrain, fières de leur travail et surtout au service d’une ville dont ils connaissent toutes les rues (et un bon nombre d’habitants).

Alim

Avec ses dreadlocks, Alim ne passe pas inaperçu. À 51 ans, il met toujours le même cœur à l’ouvrage. "Il faut travailler avec envie et plaisir, insiste-t-il. Et il n’y a pas de métier facile, mais j’aime le mien car j’aime servir à quelque chose. En fait, soit vous avez la fibre, soit vous ne l’avez pas. Et tant que le physique tient, tout va bien". On l’imagine même assez mal avec un casque sur les oreilles : ce qui lui plait avant tout est d’être en contact avec la ville, avec l’air frais du petit matin, avec les habitants qui pour beaucoup lui font un grand sourire. Même les gazouillis des oiseaux font partie de son petit bonheur quotidien. Cette simplicité, dans le plus beau sens du terme, rappelle celle des artisans, des paysans ou des marins.

Robert

Même son de cloche chez Robert. Lui a 66 ans et n’a pas spécialement envie de poser son balai. Après avoir pratiqué un certain nombre de métiers, tous assez physiques, il semble même plutôt en forme. Un esprit sain dans un corps sain pourrait être sa devise. "Bien sûr, il faut parfois éviter de se retourner car, même en voyant notre travail, certaines personnes n’hésitent pas à resalir juste après notre passage, explique Robert. Bien sûr, parfois il faut accepter les remarques pas toujours bienveillantes, mais on s’y fait. Et puis, il y a beaucoup de gens très sympathiques qui remarquent quand je ne suis pas là. L’été dernier, en pleine canicule, une jeune femme m’a offert une grande bouteille d’eau fraiche. Ce type d’attention me touche énormément".

Après quelques heures avec Alim et Robert, c’est une autre vision du métier de cantonnier qui se dessine. Il y a en eux une sagesse de la répétition, une proximité avec les gestes simples, une quintessence du service public. Le recommencement systématique d’un travail qui est voué à être immédiatement défait n’entame en rien leur bienveillance. Une belle leçon de vie dans un monde où l’on passe son temps à se plaindre.