Sonia Mossé photographiée par Juliette Lasserre.

Histoire

Le prix de la liberté

Sonia Mossé fut déportée de Drancy vers les camps de la mort il y a 80 ans. Cette jeune artiste surréaliste avait un avenir très prometteur.

Publié le

Paris, dans les années 30. Les femmes n’ont toujours pas le droit de vote, mais un vent nouveau souffle sur Paris qui foisonne d’artistes épris de liberté. On choque le bourgeois en renversant les codes de l’art ; les mœurs se libèrent à la terrasse du café de Flore. C’est dans ce tumulte qu’apparait une toute jeune femme, Sonia Mossé, née en 1917 dans la capitale.

Vivre vite

Les artistes (surtout des hommes) seront immédiatement séduits par sa blondeur. Elle pose pour Derain ou Giacometti, fréquente le cercle des surréalistes Éluard, Cocteau, Man-Ray ou Breton avec lesquels elle expose, monte sur scène sous la direction de Jean-Louis Barrault ou pour dire les mots d’Antonin Artaud, décore le cabaret de son amante Agnès Capri, dessine des bijoux pour Hermès, prend la pose pour des photographes. Sonia Mossé brûle de mille feux. Elle est une muse qui inspire, certes, mais aussi bien plus que cela. Elle n’est pas la seule femme durant ces années 30 à fréquenter les milieux artistiques parisiens. Nusch Éluard l’alsacienne, Lee Miller l’américaine, Gala Dalí la russe ou encore Greta Knutson la suédoise furent aussi des modèles ou des amantes, mais toutes ont forcé leur destin.

Liberté artistique

Dans un monde "artistique" aux mœurs bien plus libres qu’on ne l’imagine aujourd’hui, elles surent jouer de leur physique, mais surtout de leur esprit aiguisé et de leur talent artistique. Il fallut néanmoins attendre quelques décennies pour permettre à ces femmes de sortir de l’anonymat et de mettre en pièces ce rôle de muse dont on les revêt depuis l’Antiquité grecque. Il y eut des artistes femmes avant le mouvement surréaliste, comme la peintre Elisabeth Vigée Le Brun (1755 – 1842), mais leur pratique était solitaire. Cette fois, les femmes surfent sur la vague et inventent la modernité, même s’il leur faut encore le soutien des hommes. L’histoire retiendra surtout les noms de Simone de Beauvoir, de Lee Miller ou encore de Frida Kahlo. Mais d’autres femmes ont revendiqué ouvertement leur liberté et leur indépendance. Sauf que Sonia n’en eu pas le temps

Drancy, dernière étape

Comme toutes ces femmes, Sonia Mossé ne voulait pas baisser le regard. C’est pourquoi elle refusa de porter l’étoile jaune durant l’occupation. Car oui, elle était juive. Elle continua à fréquenter le Flore et les cafés interdits aux juifs, parce qu’elle était une femme libre. C’est sans doute après une dénonciation qu’elle fut arrêtée, avec sa demi-sœur, en février 1943, il y a 80 ans. Internée à Drancy, elle fut déportée le 25 mars 1943 dans le convoi 53. Arrivée dans le camp d’extermination de Sobibór (Pologne) le 30 mars, elle fut gazée le jour même. Sonia Mossé avait 25 ans