Le 25 juillet dernier, la flamme passait à Drancy. Charles-Antoine Kouakou, comme un symbole, endossa le rôle de dernier relayeur de cet instant historique pour la ville et ses habitants. Devant une foule en délire, l'athlète de l'ABDO Athlétisme s'est mué vers la scène pour lancer le grand final de cette fête. Les cotillons pleuvent et les sourires naissent sur les visages des porteurs, des organisateurs et des spectateurs. Ce moment de communion marque le début des Jeux Olympiques, mais aussi des Jeux Paralympiques. Charles-Antoine Kouakou est un exemple de persévérance pour tous les Drancéens. Champion paralympique du 400m T20 à Tokyo, il s'apprête à vivre des Jeux inoubliables chez lui, à Paris.
De Drancy au Stade de France, il reflète parfaitement l'engagement de la ville envers le sport adapté. Le dernier Drancy•média dessine les portraits des entraîneurs qui ouvrent leur discipline et accompagnent les sportifs en situation de handicap.
Alexis Champin : “Une leçon de vie quotidienne”
Coach sportif, chargé de l'animation, du développement et de la coordination des activités sportives de Sport toi bien 93, association soutenue par la ville, Alexis Champin nous raconte son expérience de travail avec des personnes en situation de handicap. Un public reconnaissant et des missions gratifiantes.
Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter, puis nous expliquer le parcours qui vous a mené à entraîner des athlètes en situation de handicap ?
Drancéen de toujours, j’ai 32 ans et un parcours assez atypique. Je n’étais pas voué à travailler dans le champ du handicap. Ancien animateur en centre de loisirs, j’ai voulu devenir moniteur-éducateur. Pendant la formation, un stage dans le champ du handicap est obligatoire. J’ai cherché à ne pas le faire car j’avais des fausses représentations sur ce public avec lequel je n’avais jamais eu de contact autrement que via le Téléthon !
Mon père, à l'époque président de l’USBD, venait d’être contacté par un établissement médico-social. Nous avons organisé un entraînement d’essai et j’ai été tout de suite conquis par ce public authentique, respectueux, qui vient vous parler comme si l’on se connaissait depuis 10 ans. J’ai cette image d’un joueur qui marque un panier et qui retire son maillot en faisant le tour du gymnase. Tout de suite je me suis dit : “c’est ça que je veux faire !”. J’avais cessé d’être entraîneur car je ne trouvais pas assez de reconnaissance au regard de l’investissement. Les para-basketteurs étaient souriants et reconnaissants malgré toutes leurs difficultés. C’est toujours une leçon de vie pour moi.
En 2012, j’ai donc pris en main l’équipe de para-basket - je suis maintenant chargé de l’animation, du développement et de la coordination des activités sportives pour Drancy-Le Bourget - et j’ai fait mon fameux stage obligatoire à l’ESAT des Muguets. J’ai continué de m’investir avec l’association sportive créée par cet établissement, Sport toi bien 93, qui m’a recruté ensuite comme animateur socio-éducatif, et j’ai obtenu le DEJEPS APSA en 2018.
Il existe de nombreux types de handicaps, les aborde t-on de la même façon ?
Nous avons 90 licenciés, 3 équipes de football à 7, 3 équipes de futsal, 3 équipes de basketball, 20 nageurs, 15 pongistes et Charles-Antoine Kouakou, athlète de haut niveau. Afin de favoriser l’inclusion des sportifs, nous passons des conventions avec certains clubs comme la JAD natation et football. Nous n’avons pas accès aux dossiers médicaux, les sportifs sont libres de nous parler de leur handicap ou non. Ils sont nombreux à avoir des handicaps invisibles (schizophrénie, paranoïa, bipolarité...). Avec notre expérience, il y a des signaux qui ne trompent pas. Bien sûr, nous adaptons nos séances à chacune des personnes.
Quel est le rapport entre athlètes handicapés et la compétition ?
Nos sportifs ont un lien très fort avec la compétition, ils participent à des championnats régionaux et nationaux de la fédération française de sport adapté, l’occasion de rencontrer les meilleurs sportifs de France et de voir du pays ! Ils nous réclament plusieurs entraînements hebdomadaires avec beaucoup de rigueur et de discipline. Charles-Antoine Kouakou, champion paralympique sur 400 m à Tokyo, a vraiment été porteur d’un message : malgré un handicap important, il est possible de réussir son projet.
En observant les rapports entre entraineurs et athlètes, on constate un énorme plaisir. Comme si l’échange était plus intense, avec un flux affectif fonctionnant dans les deux sens..
Ils nous donnent des leçons de vie tous les jours et c’est un véritable plaisir de les accompagner. Le sport est un outil éducatif, pas une finalité. L’objectif est de les aider à se construire en tant que personne et à les inclure dans la société. Nous avons effectivement un lien très fort et sortons parfois de nos missions d’entraîneur sportif. Nous organisons des sorties régulières et avec nos contacts, nous essayons de les aider au mieux dans tous les aspects de la vie.
Jean-Jacques Rusca : “Le judo est universel”
Ancien athlète de haut niveau et entraîneur de para judo, Jean-Jacques Rusca témoigne d'un engagement de toute une vie au service de cet art martial. Au Judo Club Drancéen, un de ses judokas a d'ailleurs reçu sa ceinture noire en 2023.
Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter, puis nous expliquer le parcours qui vous a mené à entraîner des athlètes en situation de handicap ?
Je suis directeur sportif, 7e Dan, ancien athlète de haut niveau, par ailleurs arbitre mondial et directeur adjoint de l’arbitrage français, enfin, président du comité 93 qui compte 63 clubs. À 60 ans, j’ai 57 ans de judo derrière moi ! En 2012, la mairie de Drancy m’a mis en relation avec l’IME Ladoucette qui recherchait une activité sportive pour ses patients. Une convention a alors été signée, qui est le point de départ de notre engagement permanent vis-à-vis des personnes en situation de handicap.
À quel moment le Judo Club Drancéen a-t-il décidé d’ouvrir une section adaptée et comment s’est-elle développée ?
Il n’existe pas de section adaptée, nous avons développé des partenariats avec les établissements spécialisés. La saison dernière, nous avions 4 conventions (plateforme handicap Ladoucette pour enfants et adolescents, hôpital de jour de pédopsychiatrie de Robert Ballanger pour des enfants autistes, foyer de vie Diapason d’Aulnay pour des adultes et IME 10 000 Rosiers de Rosny pour des enfants polytraumatisés) pour un total de 70 sportifs accueillis chaque semaine. Nous avons aussi développé le secteur inclusif des cours du club car un enfant handicapé a le droit, au même titre que les autres, de pratiquer un sport à son rythme. Enfin, nous ouvrons un créneau Judo-Handi à la rentrée pour ceux qui ne peuvent pas pratiquer en inclusion.
La compétition est-elle un axe majeur dans les programmes des para-athlètes ?
Non, mais elle est proposée à ceux qui le souhaitent, comme nous le faisons avec tous les sportifs. Venir au club, qui garde un esprit familial avant tout, doit être un plaisir. Obliger un jeune à faire de la compétition à mon sens est une erreur. Mais nous avons toutefois la grande fierté d’avoir vu, l’an dernier, Sergio Biswas devenir le premier judoka porteur de handicap mental à obtenir sa ceinture noire en Seine-Saint-Denis. Ancien élève à Ladoucette, ce junior s’est classé 3e au championnat de France de para-judo à Montauban en avril.
Quel rapport entretenez-vous avec vos sportifs ? Qu’en tirez-vous personnellement ?
Nous avons de très bons rapports avec nos sportifs et les familles, raison pour laquelle, sans doute, nous sommes l’un des plus grands clubs du département avec 367 licences en 2023/2024. Travailler avec des personnes handicapées nous apprend beaucoup en matière de patience et de persévérance. Nous sommes des passionnés au service de tous car le judo est universel. On peut tous se sentir handicapé pour quelque chose. Moi par exemple, je ne sais pas faire le grand écart, alors que le judo demande de la souplesse.