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Paroles de femmes

Le 8 mars est la Journée internationale des droits des femmes est, depuis 1977, l'occasion de pointer du doigt les inégalités entre les deux sexes.

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Chaque femme fait l'expérience des inégalités entre les deux sexes, selon son métier, sa situation familiale ou encore sa vulnérabilité sociale. En France, au rythme où les inégalités se réduisent, il faudra encore attendre une soixantaine d'années pour que les écarts salariaux disparaissent. Nous avons demandé à cinq femmes évoluant dans des milieux différents de nous parler de ces inégalités. Chacune a des choses à dire.


Aude Lagarde
Maire de Drancy, conseillère départementale de Seine-Saint-Denis

 

Dans le monde politique, les lois sur la parité ont-elles permis d’avoir plus d’égalité ?

C'est un sujet que je connais depuis que j'ai 18 ans, âge auquel je suis devenue conseillère municipale dans mon Sud-Ouest natal, à une époque ou la loi sur la parité n'existait pas. Oui, l’égalité en politique est encore un long combat et force est de constater que, chez certains, la parité ressemble bien souvent à un alibi qui cache une misogynie viscérale. On l'a bien vu lorsque j'ai été élue maire. L'obligation de parité permet un partage des places. L’idéal sera un jour de ne plus avoir besoin d’obligation pour avoir autant de femmes que d’hommes et pourquoi pas même plus.

Avez-vous souffert dans votre parcours de cette inégalité ?

J’ai dû et je dois toujours prouver mes compétences. Surtout qu’en plus, je suis la femme d’un homme politique. Je dois donc faire deux fois mes preuves, d’abord en tant que femme, puis en tant que femme de… Et pourtant, j’ai plus de 20 ans d’expérience en tant qu’élue et j’ai gravi tous les échelons un à un. Est-ce que cela aurait été plus simple si j’avais été un homme marié à une femme politique ? Probablement. Mais peu importe, j’aime mes missions de maire et je les exercerai quelles que soient les difficultés, avec toujours la même passion, celle de l'humain avant tout.

En tant que maire, constatez-vous ces inégalités ?

Je suis témoin chaque jour des conséquences de ces inégalités avec des femmes qui se retrouvent dans des situations extrêmement complexes voire, pour certaines, dramatiques : des jeunes femmes seules avec des emplois précaires et des enfants en bas âge, des retraitées qui ont des ressources très faibles, d’autres qui ont dû arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants... Je les aide et les accompagne une à une pour affronter les difficultés.

Un maire a-t-il un rôle à jouer ?

Il peut agir à son niveau pour réduire ces conséquences et mettre en place des solutions qui répondent aux problématiques quotidiennes des femmes : la garde des enfants, l’accompagnement scolaire... Il peut également lutter contre la précarité, dont elles sont de plus en plus victimes, en garantissant par exemple leur accès aux soins ou à l'emploi… Mais son rôle est également de permettre aux jeunes drancéennes d’être mieux armées pour ne pas subir les inégalités. Quand on parle des programmes d’égalité des chances, on pense à l’égalité sociale, mais ils ont aussi un rôle déterminant à jouer dans l’égalité entre les sexes. Permettre à toutes, quel que soit leur âge, de réussir leur vie, de réussir à s'imposer dans la société, c'est un de mes devoirs en tant qu'élue.


Djamila Lasri
Principale du collège Paul Bert

 

Au collège, y'a-t-il une différence visible en matière d'éducation entre filles et garçons ?

Je dirais que non. Au collège l'éducation entre filles et garçons est censée être identique. Mais nous luttons au quotidien contre toutes les formes de discriminations qui existent bel et bien. Certaines familles n'éduquent pas de la même façon les filles et les garçons : ils n'ont pas les mêmes droits ou les même obligations. Notre rôle est de palier cette inégalité par des actions au quotidien.

Comment l’école peut-elle favoriser l'égalité ?

L'académie de Créteil est pionnière en la matière. Nos professeurs sont formés à la question. Différentes initiatives existent dans les collèges et lycées de notre académie pour sensibiliser les élèves aux clichés qui perdurent sur les études supérieures et les métiers scientifiques. Nous proposons des ateliers sur l’orientation, des participations à des portes ouvertes, des mini stages, des rencontres avec des professionnels pour faire découvrir les filières peu mixtes actuellement. Trop de jeunes filles, encore aujourd'hui, s’autocensurent. La réalité est qu'elles s'attribuent déjà et de manière systématique un rôle important au sein du foyer, ce qui ne laisse pas vraiment de place à une carrière.


Céline Pénot, dite "Kaouët"

Drancéenne, illustratrice et auteure BD

 

Longtemps, les artistes ont été uniquement des hommes. On l'a expliqué par le fait que la création serait un palliatif à la maternité ! Pensez-vous que les choses sont en train de changer ?

Oui, aujourd’hui, il plus facile de choisir une carrière artistique, la maternité ou les 2. La création artistique peut être vécue comme un palliatif à de nombreuses choses de la vie, finalement… Mais elle peut autant permettre de se réaliser que la maternité, en cela, elle n’est pas un palliatif !

Les arts comptent depuis quelques temps déjà de nombreuses femmes, mais pas toujours bien "représentées" ou considérées avec les mêmes égards que leurs collègues masculins… On peut jeter un oeil du côté du collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme (http://bdegalite.org/category/blog/) ou citer la polémique du 43e Festival International de la Bande dessinée qui a présenté cette année-là (en 2016) une liste de 30 nommés pour le Grand Prix… exclusivement masculine !

Mais pour intervenir dans différentes structures de formation professionnelle en BD, ou animer des stages, je peux voir qu’il y a une vraie parité, et je pense vraiment que les choses bougent ! Dans le milieu de la bande dessinée ou de l’illustration, mais on peut élargir à d’autres professions de création de l’image, le jeu vidéo par exemple.

Alors maintenant, il y a certainement d’autres combats à mener : la reconnaissance du travail ; les rémunérations ou contrats sont-ils les mêmes pour les artistes quel que soit leur genre ? Mais ça, ça ne concerne pas seulement les univers artistiques.

Réduire l'accès à la culture est dans le monde un moyen de réduire les femmes au silence. Pensez-vous que la culture est un moyen d'émancipation pour les femmes ?

La culture est effectivement un moyen d’émancipation, mais pas seulement pour les femmes : pour tout individu. Par contre, elle n’est pas toujours accessible… C’est pour cela qu’il faut encourager toute action qui l’emmène dans des lieux où elle est peu représentée, ou toute action qui la promeut.


Pamela Corcos
Psychologue clinicienne au centre médico-psychologique (CMP) de Drancy

 

Les femmes et les hommes sont-ils égaux face à la santé ?

Les inégalités sociales subies par les femmes compliquent leur accès aux soins, et plus particulièrement quand elles sont dans des situations précaires ou seules avec des enfants. À titre d’exemple, pour réaliser une psychothérapie, il est nécessaire qu’elles viennent seules, sans leurs enfants. Cela relève du défi pour celles qui n’ont pas de solution de garde ou qui sont astreintes aux tâches éducatives et familiales. La présence de crèches ou de halte-garderies, pour des accueils plus occasionnels, aide ces femmes à aménager du temps pour elles.

Comment travaillez-vous pour rétablir l'équité ?

Dans le domaine de la psychologie, notre vocation est d’accueillir le plus librement possible nos patients en tenant compte de leurs spécificités sociales et culturelles. En pratique, il s’agit de lutter contre certaines représentations. Il faut libérer les femmes du poids de ces dernières et de l’obligation qu’elles s’imposent à n'être que mère en leur permettant de sortir de leur quotidien.

Chez les hommes, il y a d’autres représentations qui persistent comme l’idée qu’"aller voir le psy" est une marque de faiblesse ou un manque de virilité. Un traitement différencié hommes/femmes ne produit pas d’inégalités. Au contraire, il vise à rétablir l’équité, dans une perspective d'émancipation pour les femmes et pour les hommes.


Florence Drouault-Solle
Responsable Marketing et Communication de Bosch France

Les femmes qui réussissent dans le monde de l'entreprise sont considérées comme des modèles. Et pour peu qu'elles soient également des mères, elles deviennent exceptionnelles. Mais n'est-ce pas ce concept de réussite, formalisé par des hommes, qui est totalement dépassé ?

Ces femmes sont des modèles oui, mais travailler et être mère c’est la normalité aujourd’hui. Cependant, rares sont encore les femmes qui réussissent à des postes stratégiques dans l’entreprise et les inégalités hommes-femmes perdurent dans le monde du travail. Les salaires sont moins élevés pour les femmes et elles ont moins accès aux postes à responsabilité.

Au sein d'une entreprise, une femme doit-elle en faire plus qu'un homme pour éviter un procès en illégitimité ? Et cette attente n'est-elle pas encore plus accentuée chez les cadres ?

Les femmes ont réussi à se faire une place dans le management et au sein de la société, elles sont de plus en plus nombreuses à intégrer de grandes écoles, et même à obtenir des postes à grande responsabilité, mais cette évolution est encore lente et stagne dans le temps malheureusement… Les femmes doivent encore aujourd’hui surmonter des obstacles inconnus des hommes qui tiennent à l’éducation, à l’histoire, aux organisations créées par des hommes pour des hommes. Elles doivent prouver davantage qu’elles sont capables, redoubler d’effort pour convaincre. Ce constat est d’autant plus vrai chez les cadres en effet, car la femme doit pouvoir être disponible et ne pas avoir de contraintes familiales et cette question ne se pose pas pour les hommes. 
Pour ma part, je travaille au sein du groupe Bosch, qui n’a pas encore suffisamment de femmes aux postes de direction, mais dont l’objectif de parité est essentiel. La diversité fait partie de nos valeurs fondatrices, dont la mixité hommes/femmes. À l'échelle du monde, notre groupe a lancé une action globale intitulée "women@bosch" dont l'objectif est de sensibiliser l'ensemble des collaborateurs sur ce thème pour améliorer l'équilibre vie privée/vie professionnelle. Je fais moi-même partie de ce réseau sur le site de Drancy pour aider les femmes à prendre confiance en elles et à ne pas avoir peur d’avoir une ambition et de vouloir réussir.

Existe-t-il un management au féminin ?

Nous l’avons vu, la féminité génère encore des doutes sur les capacités

individuelles à manager. Qu’importent les diplômes et le niveau de compétences, les a priori font loi dans les entreprises. Ce qui se traduit par des comportements différents de la part de femmes en raison de la pression qui pèse sur leurs épaules : elles cherchent ainsi à faire mieux que les hommes en toutes circonstances, car aucune erreur ne leur est pardonnée. Tant que demeureront des doutes sur les capacités des femmes de la part des hommes dirigeants, elles s’évertueront ainsi à être des managers plus performants. Alors oui, je pense qu’il y a un management au féminin. Nous nous imposons moins brutalement que les hommes, nous ne prenons pas les choses frontalement et nous préférons la communication ainsi que le partage. Je suis certaine que c’est notre manière de communiquer qui nous différencie. Notre éducation ne nous incite pas à s’intéresser autant que les hommes au pouvoir et au caractère honorifique d’un poste à responsabilité. Nous sommes capable de diplomatie, plus à l'écoute et plus dans l’échange. Nous savons nous remettre en question dans l'intérêt de l'entreprise et dans l'intérêt général, tout en restant ferme quand même.