Quelle est la situation à Drancy ?
Drancy n’est pas l’une des villes les plus touchées du département. Pour deux raisons : nous avons un tissu pavillonnaire important assez bien entretenu, un grand parc social, mais surtout un maire qui utilise tous ses pouvoirs de police et met des moyens financiers conséquents. Que ce soit pour recruter ou au titre de la substitution pour assurer les travaux nécessaires et reloger les occupants en cas d’insalubrité, en répercutant les frais au propriétaire défaillant. Peu de villes le font.
Quels sont les moyens de lutte employés pour résorber l’habitat indigne ?
Notre service est très performant pour lutter contre un phénomène national : la multiplication des copropriétés dégradées, notamment à cause de charges impayées. Un agent exclusivement chargé de l’habitat opérationnel assiste les copropriétaires et de nouvelles formations leur sont proposées gratuitement, ce qui constitue un service inédit. Autre exemple : alors que ce n’est pas obligatoire, nous avons joué le rôle de médiateur en réunissant syndic et bailleurs dans une récente copropriété victime d’importantes infiltrations. Et puis, nous avons le permis de louer.
Quels en sont les résultats, notamment avec le permis de louer ?
C’est un outil efficace pour vérifier en amont l’état des logements mis en location. Les services reçoivent déjà moins de plaintes pour logement indécent ou insalubre. Il y a eu 42 infractions en 2023 et des amendes prononcées jusqu’à 3500 €. Mais globalement, on constate que les Drancéens jouent le jeu. Nous ne relâcherons pas la pression contre les personnes qui profitent du mal-logement et de la misère pour proposer des logements indécents.
10 h du matin un vendredi, Yasmine Bellara, directrice du pôle Hygiène, sécurité et habitat opérationnel, accompagnée d’une inspectrice, se présente au domicile de Mme S dans le quartier de l’Avenir parisien. 48 heures auparavant, elles ont reçu un signalement très alarmant de la part de cette locataire d’un F2 depuis 2016. Plusieurs photos montrent des murs couverts de salpêtre et de moisissures, quasiment de haut en bas. À leur arrivée, la femme s’effondre. Elle vit ici avec ses 3 enfants, sans chauffage, sans eau chaude, dans une humidité ambiante qui suinte de partout. Une nuée de mouches envahit l’entrée. S'y ajoutent un sol gondolé, un plancher abimé et des remontées d’eaux usées intermittentes dans la baignoire et dans l’évier.
Droit à un logement décent
L’engorgement des eaux usées ne sera malheureusement pas constaté ce jour-là, empêchant la mise en route immédiate d’une procédure d’urgence sanitaire. Mais il n’empêche, l’intervention du service hygiène de la ville, suivi d’un rapport d’insalubrité permettra de mettre en demeure le propriétaire indélicat d’engager des travaux de réfection de ce logement très rapidement et de trouver un hébergement temporaire pour sa locataire dont le maintien dans les lieux avec des jeunes enfants présente un danger. “Après une visite aussi insupportable, on sait pourquoi on se lève le matin ! C’est pour permettre aux gens de vivre dans des logements décents et endiguer ce type de situation”, s’exclame Yasmine Bellara. Et surtout s’assurer que ceux qui abusent de la misère et de la vulnérabilité des personnes ne restent pas impunis”.
D’après les chiffres officiels, 4 % des logements franciliens seraient potentiellement indignes – 7,4 % en Seine-Saint-Denis – et 1,3 million de ménages seraient confrontés à un habitat dégradé dans les copropriétés. On estime aussi que 87 % des logements indignes sont situés dans le parc immobilier ancien. La municipalité ne reste pas les bras ballants. Afin de repérer les situations d’habitat insalubre et de contrôler le respect des normes, elle a instauré un permis de louer en juin 2021. “Une personne qui entretient son bien immobilier correctement n’a aucun mal à l’obtenir, avait à ce moment-là rappelé le maire, Aude Lagarde. Mais il permet aussi d’infliger des amendes allant jusqu’à 15 000 €, ce qui fera sans doute réfléchir les propriétaires indélicats ou malhonnêtes”.
La Ville défend vos droits
Neuf fois sur dix, c’est par les locataires que le service Hygiène de la ville est alerté. Les autres affaires lui remontent via les travailleurs sociaux ou des partenaires comme la Caf. De plus, les trois inspecteurs de salubrité effectuent régulièrement des opérations de repérage, notamment dans les quartiers de l’Avenir et de l’Économie. Toitures abimées, fissures sur les murs extérieurs, garages ou caves transformés en habitation et autres pavillons indûment divisés sont en effet visibles depuis la rue. L’habitat indigne est celui qui porte atteinte à la dignité humaine, notion qui englobe l'habitat insalubre (risque pour la santé) et en état de péril (risque lié à la sécurité). Il s’agit de “locaux impropres par nature à un usage d'habitation, ainsi que de logements dont l'état ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé”, poursuit la directrice.
En 2023, 345 dossiers ont été traités, dont 16 pour insalubrité et 22 pour infraction au règlement sanitaire départemental (présence d’humidité ou de nuisibles... pouvant conduire à l’insalubrité) par les services, qui gèrent aussi les demandes relatives à l’environnement : bruit, ondes, contamination des sols, air contenant des composés organiques volatils...). Les riverains de la gare de triage par exemple, se sont plaints d’une odeur suspecte. “Il s’avère qu’il s’agit de l’odeur de la créosote, substance chimique utilisée par la SNCF sur les traverses en bois. Après intervention du Laboratoire central de la préfecture de police et de l’Agence régionale de santé, il a été conclu qu’il n’y avait pas de danger sanitaire”, raconte Yasmine Bellara. Pour autant, la municipalité a obtenu de la SNCF le déplacement desdites traverses, afin que les riverains ne subissent plus ces odeurs, même non dangereuses. La municipalité se donne les moyens d‘appliquer une politique assez sévère en matière de lutte contre l’habitat indigne. Pas de traitement sur dossier, les inspecteurs effectuent 1 à 2 visites pour chaque affaire. “Bien souvent après notre injonction, les propriétaires réalisent les travaux nécessaires, poursuit-elle. Et lorsque nous obtenons un arrêté préfectoral d’insalubrité, cela suspend les loyers. Dès qu’on touche au portefeuille, ils se sentent très concernés...”
Créé par la loi Alur, c’est l’un des dispositifs les plus efficaces pour lutter contre l’habitat indigne. Depuis sa mise en place à Drancy le 7 juin 2021, 736 dossiers ont été instruits, 64 étaient en infraction, dont 31 ont été transmis à la direction régionale et interdépartementale de l'Hébergement et du logement. Le permis de louer a permis d’éviter la mise en location d’environ 68 % de logements potentiellement non-décents (absence de ventilation évitant les moisissures) et de 10 % de logements impropres (cave, garage, local sans fenêtre).
Le permis concerne tous les logements de plus de 10 ans, meublés ou non, classés UG (zone urbaine générale) au plan local d’urbanisme, les plus récents n’ayant qu’à fournir une déclaration de location. La demande s’effectue sur Drancy.fr/PermisDeLouer
Une intoxication alimentaire, ce n’est pas bénin. On peut rester handicapé à vie et même décéder si l’on est fragile. Les commerces de bouche et les restaurateurs doivent appliquer un plan de maîtrise sanitaire afin d’éviter toute contamination bactérienne. Le service Hygiène dont c’est aussi l’une des prérogatives, y veille et a intensifié ses contrôles depuis 3 ans. "Certains commerces sont parfois peu respectueux des réglementations en vigueur pour des raisons diverses : personnel non formé, méconnaissance des procédures à mettre en œuvre, absence de traçabilité, négligence..., rappelle Yasmine Bellara. Notre premier objectif c’est la pédagogie, pas la répression”.
Après une première inspection et selon les situations, une seconde visite est organisée pour vérifier si les prescriptions de mise en conformité ont bien été respectées. Dans le cas contraire, c’est la fermeture administrative. Sur 36 dossiers traités l’an passé, 12 ont abouti à une fermeture.