Rencontre avec Nadia Benariba,
contrôleuse des dépôts sauvages
Qu’est-ce qu’un dépôt sauvage ?
Interdit depuis la loi du 15 juillet 1975, il est défini par le code de l’environnement comme un déchet – à savoir « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou a l’intention ou l’obligation de se défaire » – qui n’est pas déposé au bon endroit ou au bon moment.
Le dépôt sauvage appelle le dépôt sauvage ! Et pour éviter l’amoncellement, en ramassant au plus vite ce qui traine sur la voie publique, la Ville se retrouve paradoxalement prise dans un cercle vicieux.
« Certains Drancéens pensent qu’on est là pour récupérer systématiquement leurs encombrants et ne prêtent plus attention au calendrier de ramassage mensuel par secteur, le vendredi ou le samedi », explique d’emblée Dominique Canon, responsable des équipes de collecte. Sur le terrain toute la semaine, Nadia Benariba, fait le même constat : « La plupart des gens me disent qu’ils ne savaient pas et 90% rentrent leurs affaires quand je les sensibilise. Il y a de l’amélioration partout où je vais régulièrement. En particulier quand on touche au portefeuille... »
En dernier recours, la Ville fait payer l’enlèvement et utilise son pouvoir de police pour verbaliser. C’est 375 € le m3 indivisible, ce qui signifie que même un petit carton peut coûter plusieurs centaines d’euros et l’amende peut aller jusqu’à 1 500 € (contravention de 5e classe).
Près de 1200 t. ramassées chaque année
Concrètement, sur les 240 km de trottoirs drancéens, on retrouve très régulièrement des ordures ménagères, des encombrants et des produits dangereux. Sacs poubelles, cartons, planches, gravats, matelas, canapés, électroménager hors d’usage, huile de vidange, pneus, vieux pots de peinture, cartouches de gaz de protoxyde d’azote, Vélib’... Et de manière plus anecdotique des animaux morts, « on a déjà eu des pieds de vache », se souvient Dominique Canon.
Cet inventaire à la Prévert représente au total 100 tonnes de déchets par mois en moyenne ! Et un coût élevé pour la collectivité, évalué, lors de l’audit Verdicité de 2020, à une somme oscillant entre 400 000 € et 500 000 € selon les années. Soit de 5,70 € à 7,10 € par habitant et par an, dans le bas de la fourchette francilienne, estimée par la région de 7 € à 13 €.
Une lutte quotidienne
« Une centaine de points noirs sont quotidiennement sous surveillance, révèle Franck Vilcocq, responsable du nettoiement. Les angles de rues et les colonnes à verre par exemple sont particulièrement ciblés. »
Mais de façon générale « la poubelle appelle la planche et la planche appelle le matelas », constate-t-il amèrement. Autre situation à risque : les déménagements durant lesquels des objets sont parfois abandonnés sur le trottoir.
Alors, pour éviter l’escalade, quatre équipes de 2 agents, soit 8 en tout, sillonnent quotidiennement la ville avec deux bennes à ordures et deux camionnettes, récupérant prioritairement les dépôts dangereux (verre, produits toxiques...). Et ce 7j/7, 365 jours par an. Les agents sont en effet obligés d’effectuer le tri en amont afin de déposer ensuite les objets au bon endroit, usine d’incinération des ordures ménagères ou déchetterie. C’est pourquoi, ils ne peuvent pas toujours tout ramasser en un seul passage.
Ils bénéficient du renfort d’une brigade verte créée en 2023 et basée à la Maison de l’environnement depuis mars 2024.
Sécurité et pollution
Au-delà de l’aspect inesthétique des dépôts sauvages, se posent naturellement des problèmes de sécurité pour les piétons, en particulier aux abords des écoles et des équipements municipaux, et bien sûr de pollution – des eaux, des sols et de l’air. D’autant plus dommageable que nombre d’entre eux sont recyclables. « La valorisation des déchets nécessite l’implication de tous avec des consignes qui ne posent pas problème, rappelle Dominique Deltour, chargé de mission Développement durable. Car aujourd’hui, nous sommes capables de recycler énormément de choses, mais chaque déchet a sa filière. »
Pourtant, malheureusement, « 70 % des corbeilles de rue attirent encore un déchet qui n’y a pas sa place, déplore Franck Vilcocq. Le problème numéro 1, ne serait-il pas la fainéantise de certains quand on voit par exemple des dépôts aux pieds des containers ? Ayons le bon réflexe jusqu’au bout... » En appliquant cette maxime, Nadia Benariba, qui répète inlassablement les consignes lorsqu’elle rencontre des Drancéens, le constate : « Ça marche puisqu’il y a des plus en plus d’endroits en ville qui sont nickel ! »