Le 9 mars 2014, c’était portes ouvertes au château pour son tout premier programme d’expositions. Le 9 mars 2024, la ville, qui a le sens du symbole, a célébré cette décennie vouée à l’art et aux sciences. D’abord avec un après-midi d’animations festives. Ensuite avec l’inauguration d’une grande exposition Histoires anciennes et contemporaines du château de Drancy, qui se tient jusqu’au 21 avril. Ses 48 panneaux installés dans le parc, autour de la bâtisse, retracent la petite et la grande histoire de ce bâtiment du XIXe siècle, le plus emblématique de l’histoire locale. En plus des aspects historiques, vous y retrouvez en effet les moments forts de ces dix années de fonctionnement en tant que centre culturel.
Un achat qui s’est imposé
Flash-back. Certes la silhouette du château était déjà connue des Drancéens, puisque son grand parc avait ouvert au public en 1976. Mais ils n’en connaissaient que l’arrière, qu’ils étaient d’ailleurs un certain nombre à considérer comme la façade étant donné son bel aspect architectural... En septembre 2009, le député-maire d’alors, Jean-Christophe Lagarde, fait voter en conseil municipal une décision qui changera le cours de l'histoire : le rachat du château à la société philanthropique, propriétaire des lieux qui hébergeaient l’institut médico-éducatif. Quatre années seront alors nécessaires à sa transformation dans l’état que nous lui connaissons actuellement, juste après que la ville a œuvré à l’agrandissement du parc de 1 hectare et à son réaménagement complet.
Depuis mars 2014, le château s'est imposé comme un lieu de rencontre pour tous les âges avec une programmation diversifiée et des propositions d'animations multiples. Faits notables : il est ouvert 6 jours sur 7 (fermé le lundi) tout au long de l'année et son accès est gratuit. En une décennie, ce sont plus d'une centaine expositions qui s’y sont succédé . “Son projet culturel est fondé sur une alternance entre des événements d'ampleur, avec des artistes et des commissaires invités, des partenariats extérieurs, et des actions locales qui s'appuient sur des associations et les services municipaux, explique Pierre Bour, directeur du service culturel. Ce choix génère une grande diversité de publics en s'assurant d'une proximité avec la vie locale mais aussi d'un rayonnement au-delà des frontières communales”.
Des personnalités des arts visuels ont ainsi été programmées : le peintre et calligraphe irakien Hassan Massoudy ; Mickaël Bethe-Selassié et ses sculptures en papier mâché ; la peintre néoromantique amoureuse de la forêt, Younmi Byun ; Michel Danton, qui joue avec les mots dans des œuvres en relief... Mais aussi Gérard Stricher et sa peinture abstraite ou encore l’hyperréalisme de Gilles Paul Esnault, la beauté pure des photographies de Vincent Munier, l'histoire du hip-hop en images de Pascal Boissière, etc. Sans sacrifier les artistes locaux de l’Artelier ou de l’UAP notamment, qui n’avaient auparavant qu’une visibilité restreinte lors d’expos à la Maison orange.
“On ne pouvait pas rêver plus bel écrin et d'ailleurs son potentiel a immédiatement été inventorié par la Métropole du Grand Paris en tant que lieu culturel et touristique d’exception dans le département, résume Anthony Mangin, premier-adjoint, chargé de la culture. Sa luminosité est parfaite grâce aux pièces traversantes, sa quiétude est exceptionnelle en ville avec le parc qui l’entoure, enfin sa surface sur 3 niveaux offre la possibilité de varier les plaisirs. Et nous n’avons pas encore exploité tout son potentiel !”. Ainsi, il est notamment envisagé d’y proposer davantage de musique, la salle du bas se prêtant particulièrement bien à la musique de chambre ou aux solistes de piano, de clavecin...
La municipalité a par ailleurs toujours veillé à mettre en œuvre une médiation culturelle à des fins éducatives et récréatives. L’arrivée de la Micro-Folie il y a un an est à cet égard emblématique. Car la possibilité d’avoir accès, par écrans interposés, à des connaissances artistiques universelles, tout comme posséder un formidable outil de formation à disposition — avec des quiz interactifs – a tout de suite séduit l’élu. “Ce n’est pas la même chose de visiter un célèbre musée sans guide — ce qui est généralement le cas des touristes – comme la galerie des Offices à Florence par exemple, que d’avoir un conférencier pour nous éclairer sur les peintres du Quattrocento, explicite Anthony Mangin. À la Micro-Folie, la médiation culturelle permet d’analyser vraiment les œuvres, même celles exposées au bout du monde”. Le premier adjoint annonce par ailleurs qu’un travail transversal, entres services municipaux dont la médiathèque et divers autres partenaires, permettra de proposer des contenus toujours renouvelés au musée numérique drancéen, touchant à des domaines variés tels que le sport, le handicap... Mais ce n’est pas tout ! Le château pourrait aussi être davantage exploité en tant que lieu d’apprentissage des pratiques artistiques : ateliers de l’académie des arts, répétition d’une pièce de théâtre, par exemple. Ses abords, notamment son parvis, peuvent également être mieux utilisés. Les Fééries de Noël en sont la preuve indubitable. “Que ce soit pendant les Salons, lors des fêtes, ou pour installer des expositions extérieures temporaires, l’utilisation récurrente de ces espaces représente une valeur ajoutée importante pour valoriser toutes les formes d’expressions artistiques”, conclut l’élu.
Maire de Drancy de 2001 à 2017
En faisant acheter le château de Drancy par la municipalité, quelle était la principale ambition ?
Nous avons ainsi solutionné deux problèmes dont j’avais hérité. D’une part l’IME, qui accueille des enfants en situation de handicap, les hébergeait dans des conditions inadaptées aux normes d’aujourd’hui. D’autre part, le château historique de Drancy n’était pas accessible aux Drancéens et nous privait d’un hectare d’espace vert qui manquait cruellement dans un centre-ville que nos prédécesseurs avaient bétonné pendant vingt ans. Avec l’argent de la vente du château, l’IME a pu construire des locaux modernes accueillant plus d’enfants ; et on sait combien de places manquent dans ce type d’établissement pour les familles. Notre municipalité a toujours été très mobilisée sur ces sujets. Et après l’acquisition, nous avons pu engager le réaménagement du parc ainsi agrandi, avec la création du bassin, de l’amphithéâtre, du manège et de la fermette pédagogique dont tout le monde profite aujourd’hui. Mais surtout, le château est devenu le bien commun de tous, favorisant un vrai accès populaire à une culture de qualité.
Vous avez permis aux Drancéens de découvrir ce château de centre-ville qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils se sont, depuis, appropriés. Est-ce pour vous un motif de fierté ?
Bien sûr, tout comme l’augmentation de la surface du parc. Plus de 150 000 visites ont eu lieu en dix ans. Ce lieu est reconnu régionalement et la Micro-Folie permet aux Drancéens de découvrir des œuvres exposées au bout du monde à deux pas de chez eux. Cela a aussi contribué à ce que les Drancéens se réapproprient une partie de leur histoire qui a commencé bien avant l’ère communiste. Mais le plus important, c’est que cela dessine aussi la suite. Pendant 17 ans, j’ai acheté les propriétés le long de la rue Ladoucette pour qu’on puisse agrandir à nouveau le parc. Et c’est le projet que notre municipalité va bientôt pouvoir présenter aux Drancéens. Un parc plus grand, plus ouvert, plus culturel ; tout le monde doit en être fier !
Pourquoi avoir associé le nom des Ladoucette au parc et au château ? Ils sont finalement restés peu de temps à Drancy.
C’est cette famille qui a construit le château et, depuis les années 70, le parc s’appelait Jacques Duclos, du nom d’une grande figure du parti communiste sans aucun rapport avec ce haut-lieu de Drancy. C’était aussi une façon pour les Drancéens de ne plus être dépossédés de leur histoire et même l’occasion de l’apprendre. L’histoire de cette famille est contestable, notamment avec ce qui touche au commerce triangulaire. Mais c’est à elle qu’on doit le château, le bâtiment historique de l’école Saint-Germain et même l’Hôtel de ville. Ils avaient fait don du château à une œuvre sociale pour permettre l’éducation des jeunes orphelines. Quand j’étais enfant, on l’appelait le parc des sœurs, car ce sont des religieuses qui encadraient ces jeunes filles. Le nom s’imposait de lui-même