Cadre de vie

Quand la nature s’invite sur les murs

À la demande de la Ville, les édicules situés sur les ronds-points Repiquet et Diderot prennent des couleurs. Entre les mains expérimentées du graffeur Ocram, ils s'habillent de fleurs, de plantes et d'animaux sauvages au regard saisissant. Âgé de 50 ans, l'artiste itinérant parvient à insuffler de la vie à des surfaces en friche, pour le plus grand bonheur des passants et des habitants.

Publié le

Pouvez-vous vous présenter ?

Ocram est mon nom de graffeur. Mais je ne fais pas que du graff. Je fais aussi de la peinture sur toile. Dans ce domaine, je signe mes œuvres sous le nom de Bolte.

Comment êtes-vous devenu graffeur ?

Depuis que je suis petit, je ne fais que dessiner. Mais je n'ai commencé le graff qu'en 1997. À l'époque, je travaillais dans une agence de publicité. J'en avais marre, c'était un milieu qui n'était pas très sain et j'avais besoin de plus de liberté et de davantage d'honnêteté. J'ai d'abord voulu m'orienter vers l'illustration pour enfant, mais j'ai eu du mal à trouver des opportunités. Et puis un jour, une enseigne de laser game bien connue m'a proposé de réaliser des fresques pour décorer une de leur salle. J'ai accepté au culot et j'y suis allé. Là, j'ai rencontré un vrai graffeur. C'est avec lui que j'ai appris. Par la suite, d'autres laser game m'ont contacté pour le même type de mission. De fil en aiguille, en me voyant peindre dehors, des passants venaient me voir pour me demander si je travaillais aussi pour des particuliers. Puis ce fut le tour des collectivités. Cela s'est fait comme ça.

Vous travaillez pour différents publics. Comment définissez-vous vos prix ?

Cela dépend de la taille et de la complexité de la fresque, du matériel dont j'aurai besoin, ainsi que du temps que ça va prendre. Quand j'ai évalué tout cela, je sais combien cela va me coûter et je fixe un prix en fonction.

Quel est votre cahier des charges pour la Ville de Drancy ?

La Ville m'a demandé de décorer trois édicules sur le thème de la nature : des fleurs tropicales sur le rond-point Diderot, des fleurs des champs et des fleurs horticoles pour les deux édicules du rond-point Repiquet. La fresque tropicale, inspirée du Douanier Rousseau, est terminée. J'y ai représenté un tigre. Je travaille actuellement sur la fresque "fleurs des champs", sur laquelle j'ai représenté une forêt de bouleaux avec des petites fleurs. La dernière représentera une forêt plus classique.

 

Ce que j'aime avant tout, c'est peindre dans la rue car cela fait plaisir aux gens"

Vous évoquez le Douanier Rousseau ; quelles sont vos autres influences ?

Elles sont multiples car tout m'inspire. Quand je ne faisais que du dessin, je m'inspirais beaucoup d'Enki Bilal. J'aime les dessins de Léonard de Vinci. La peinture classique m'influence aussi beaucoup. Dans le graff, j'apprécie le style de Mode 2. Dans les années 1980/1990, il a apporté une touche très "dessin" au graffiti.

Comment appréhendez-vous vos œuvres ?

Quand je réalise un tableau, je me laisse porter sans toujours savoir où je vais. Je me fais plaisir. Pour les fresques, c'est plus carré car elles doivent répondre aux attentes des clients. Sur la base des éléments qu'ils demandent, je propose un projet que je leur présente sous la forme d'un montage sur ordinateur. S'ils valident, je me mets au travail en essayant de m'en tenir le plus possible à ce que je leur ai présenté. Parfois, leurs demandes me laissent beaucoup de liberté. Par exemple, dans les laser game, on pouvait me demander de décorer 700 m2 sur le thème de Star Wars, sans davantage de précision. À moi d'imaginer le reste, donc je me fais quand même plaisir. Une fois que je sais ce que j'ai à faire, je dessine mon croquis à la bombe sur la surface. Je travaille étape par étape. Pour la fresque "fleurs des champs" par exemple, j'ai commencé par tracer les contours des bouleaux, afin de les positionner de manière harmonieuse. Je savais que mon trait allait dépasser, donc en les dessinant en premier, j'avais prévu que les dépassements seraient recouverts par le fond de la fresque, que j'ai peint ensuite.

Quel matériel utilisez-vous ?

J'utilise des bombes aérosol de basse pression qui me permettent de travailler plus facilement sur le détail. J'utilise essentiellement des petits caps (embout de spray), plus adaptés pour travailler dansla finesse, réaliser des traits peu épais. Je passe à des caps de taille moyenne quand je fais des remplissages.

Où peut-on voir d'autres de vos œuvres ?

Partout ! J'ai bien visité la France, du nord au sud et d'est en ouest. Je me suis déplacé au gré des commandes. En Île-de-France, j'ai quelques graffs à Paris. Je peins aussi beaucoup à Thorigny, en Seine-et-Marne, où l’on peut voir 4 ou 5 de mes fresques.

Une fresque vous reste-t-elle particulièrement en mémoire ?

Une des dernières que j'ai faite, à Thorigny, dans un salle polyvalente. La fresque fait 4 mètres de hauteur sur 30 mètres de long. On m'a laissé faire ce que je voulais. Sur la surface, il y avait déjà un début de fresque réalisée par un copain, sur laquelle figurait des engrenages ainsi que des montagnes et des nuages. J'ai conservé le ciel et les montagnes et j'ai peint par-dessus le reste pour réaliser un décor sur le thème de la nature. Je voulais un grand paysage qui ouvre sur le loin, car la salle était très enfermée. Sur la fresque, on voit beaucoup de ciel, il y a également plusieurs soleils, plusieurs planètes. On y voit aussi le fond de la mer, avec une épave. C'est ma fresque préférée.

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le graff ?

Ce que j'aime avant tout, c'est peindre dans la rue car cela fait plaisir aux gens. J'adore quand des personnes s'arrêtent pour me regarder travailler ou me remercier parce qu'ils trouvent cela beau. Cela arrive souvent et je trouve ça très satisfaisant car par ailleurs, ce n'est pas un travail dont on peut facilement vivre bien.

Découvrir Ocram/Bolte